Rimbaud a été vu à Charleville Mézières le 9 décembre 1876, sortant de chez Ernest Delahaye à qui il a bien voulu confier quelques-unes des raisons pour lesquelles il a disparu depuis plusieurs mois. J’ai eu la chance d’avoir pu lui parler et c’est au café La Liberté que cet échange a eu lieu. Moi, Jean Kaite, ai décidé de vous retranscrire le plus fidèlement possible les paroles de notre poète communal, mais faute de réponses précises à certains moments, je m’en vais remplir les blancs de l’histoire. Car je le connais, Arthur !

Le 18 mai, Rimbaud raconte qu’il a signé à Bruxelles un engagement de 6 ans dans l’armée hollandaise. Lorsque je lui ai demandé la raison, il a répondu que lui-même n’en savait rien, qu’il avait testé toutes les expériences dans sa vie sauf celle de se battre dans une armée. Le lendemain, il se retrouve en garnison dans le port de Harderwijh en Hollande. Il a hâte de larguer les amarres. Il veut parcourir le plus de lieues possibles dans la vie, tel paraît être son objectif. Le journaliste qui écrit ces lignes, et qui n’a jamais quitté Charleville, ne comprend pas pourquoi on peut s’acharner à bouger autant, pour revenir toujours au même endroit.Passons.

Le 10 juin 1876, Arthur Rimbaud a quitté le port sur le navire à vapeur Prins van Oranje. Il en a un souvenir : des soldats qui se reposent dans des hamacs et jouent aux cartes dans les salles réservées pour eux durant la navigation. Trois jours plus tard, après le départ de Southampton, le bateau a fait route vers Naples, escale où le navire pouvait prendre des provisions pour la suite du voyage, et il y arriva le 22 juin 1876. Rimbaud se tait un long instant. Je suis sûr qu’il a voulu s’enfuir une première fois, à ce moment-là, pour arpenter l’Italie… Le Vésuve n’est pas loin. Ca bout aussi dans Arthur.

Un mois plus tard, Rimbaud retrouve l’île de Java. Quelle chaleur ! Il me décrit cette île comme un rêve. Pas le paysage, dit-il la lumière surtout. Très vite, cependant, il a marmonné que Baudelaire aussi avait fait un voyage vers des îles, les îles Bourbon quant à lui, et qu’il avait vite fait demi-tour. Je n’ai pas vraiment vu le rapport logique et Rimbaud n’a pas souhaité en dire plus.

Puis, le 15 août 1876, Arthur Rimbaud était déjà loin du camp militaire…Déserteur. Il l’aime ce mot. Ca s’entend dans la manière dont il l’a prononcé. La désobéissance, ça le connaît ! C’est Mme Vitalie Cuif qui en sait quelque chose…

Il nous raconte qu’il ne pouvait plus continuer. Pour se sauver de l’armée il a fui dans la forêt de Java où il rencontra un chef hindou qui le mena au port où il prit le Wandering Chief, un navire qui n’était pas hollandais. Le 23 octobre le bateau est sur l’île Sainte Hélène. Là-bas il put se reposer et il nous dit qu’il a rencontré jolie jeune femme. Il regarde un médaillon. J’ai essayé avec ma discrétion habituelle d’y voir un visage : rien.

Et maintenant, il est de retour ici. Pour combien de temps ?

Extrait du journal Ma Charleville éternelle, rubrique « J’enquête à Charleville», par Jean Kaite, 10 décembre 1876.

Marius Barret, Vatthana Sisombat, Selma Castella